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Diego Maradona : El Pibe De Oro

Il y a des joueurs qui marquent l’histoire. Et puis il y a Diego Armando Maradona. Il n’a pas seulement marqué l’histoire, il l’a empoignée, l’a tordue, l’a fait danser à son rythme avant de la jeter à terre, brisée et magnifique. Il était plus qu’un footballeur ; il était un phénomène social, une divinité païenne pour les pauvres de Naples et de Buenos Aires, un rebelle dont le pied gauche contenait à la fois le génie de Michel-Ange et la fureur d’un volcan. Sa vie n’est pas une carrière, c’est une mythologie, un conte shakespearien où la gloire la plus éclatante côtoie les abysses les plus sombres. Du gamin des bidonvilles de Villa Fiorito à l’icône planétaire, de la « Main de Dieu » au « But du Siècle », des Scudetti impossibles avec Naples à ses combats contre la FIFA et ses propres démons. Cet article est une tentative de saisir l’insaisissable, de raconter l’homme derrière le dieu, le gamin derrière la légende. Car raconter Maradona, c’est raconter l’histoire du football dans ce qu’il a de plus humain, de plus beau et de plus tragique.


Les Quatre Minutes qui Contiennent l’Univers

22 juin 1986. Le soleil de midi frappe le Stade Azteca de Mexico. C’est un chaudron. Plus de 114 000 âmes sont venues assister à un match qui dépasse de loin le cadre du football. C’est un quart de finale de Coupe du Monde, mais c’est aussi Argentine-Angleterre, quatre ans seulement après la Guerre des Malouines. C’est une question d’honneur national, de vengeance symbolique.

Au milieu de cette fournaise, un petit homme de 1m65 semble plus grand que tous les autres. C’est Diego Armando Maradona. Il est le capitaine, le numéro 10, l’alpha et l’oméga de cette équipe argentine. Il a 25 ans, il est au sommet de son art, et il est sur le point, en l’espace de quatre minutes, de graver son nom dans l’éternité, en incarnant à la fois le péché et la rédemption, le diable et le bon dieu.

51ème minute. Le score est de 0-0. Le match est cadenassé. Maradona s’empare du ballon aux abords de la surface anglaise, tente un une-deux avec son coéquipier Jorge Valdano. Le défenseur anglais Steve Hodge, en voulant dégager, rate son intervention et envoie le ballon en cloche, en arrière, vers son propre gardien, le géant Peter Shilton. Le ballon monte, monte… Shilton, avec ses 20 centimètres de plus, saute pour le capter. Maradona, qui a suivi l’action, saute aussi. Le poing gauche levé, caché près de sa tête, il devance le gardien et propulse le ballon dans le but. L’arbitre tunisien, Ali Bennaceur, n’a rien vu. Il valide le but. C’est le chaos. Les Anglais protestent, furieux. Maradona, lui, court vers le poteau de corner en haranguant ses coéquipiers de venir le célébrer, pour que le doute ne s’installe pas. C’est la ruse du pibe, du gamin des rues. C’est la « Main de Dieu ». L’Argentine mène 1-0, grâce à une tricherie divine.

55ème minute. La colère et l’injustice flottent encore dans l’air. Les Anglais sont sonnés. C’est alors que l’histoire bascule de l’infamie au sublime. Maradona reçoit le ballon dans son propre camp, dos au but, à plus de 60 mètres des cages de Shilton. Il se retourne en une fraction de seconde, éliminant deux joueurs. Et puis, il commence à courir.
Ce n’est pas une course, c’est un ballet. Le ballon semble collé à son pied gauche. Il accélère. Peter Reid, puis Peter Beardsley, sont effacés. Il arrive près de la surface. Terry Butcher, le colosse, tente un tacle désespéré. Maradona l’esquive. Il entre dans la surface. Terry Fenwick est le dernier obstacle. Un crochet intérieur. Fenwick est battu. Il ne reste que le gardien. Shilton sort. Maradona feinte de frapper, le couche d’un dernier dribble, et pousse le ballon dans le but vide. C’est le « But du Siècle ».

En quatre minutes, Diego Maradona a résumé toute sa complexité. Il a triché comme un diable, puis il a dribblé comme un dieu. Il a vengé son peuple avec la ruse et le génie. Ces deux buts ne sont pas seulement des actions de football ; ce sont des actes politiques, des œuvres d’art, des mythes fondateurs. Pour comprendre comment un homme a pu contenir de tels extrêmes, il faut revenir aux origines, dans la poussière d’un bidonville de Buenos Aires.

Partie I : Le « Pelusa » de Villa Fiorito – La Naissance du Mythe

L’histoire de Diego Maradona commence dans la misère. Il est né en 1960 à Lanús, mais c’est à Villa Fiorito, un bidonville sans eau courante ni électricité, qu’il grandit. Il est le cinquième de huit enfants. Son père, « Don Diego », est un ouvrier qui se tue à la tâche pour nourrir sa famille. Sa mère, « Doña Tota », est le pilier affectif du foyer, celle qui se privera souvent de manger pour que ses enfants aient assez.

Dans cet univers de pauvreté, il n’y a qu’une seule échappatoire : le football. Pour son troisième anniversaire, son oncle lui offre son premier ballon en cuir. Ce ballon devient son meilleur ami, une extension de son propre corps.

« Le ballon et moi, nous sommes nés ensemble. On ne s’est jamais séparés. Je dormais avec. »

Il passe ses journées à jouer dans les potreros, ces terrains vagues et poussiéreux qui sont le berceau des plus grands talents argentins. C’est là qu’il développe ce toucher de balle unique, ce centre de gravité incroyablement bas qui le rend quasiment impossible à faire tomber. Il apprend le football de la rue, un football fait de ruse, de dribbles courts et d’instinct.

« Los Cebollitas » : L’Équipe d’Enfants Invincible

À neuf ans, son talent est repéré par un ami qui l’emmène passer un test pour Argentinos Juniors, un petit club de Buenos Aires réputé pour sa formation. Le recruteur, Francis Cornejo, n’en croit pas ses yeux. Il est persuadé que ce gamin est un nain, qu’il ne peut pas avoir l’âge qu’il prétend. Il lui demande sa carte d’identité.

Diego intègre alors l’équipe des jeunes du club, « Los Cebollitas » (Les Petits Oignons). Avec Maradona comme chef d’orchestre, cette équipe d’enfants va devenir une légende urbaine, restant invaincue pendant 136 matchs. À la mi-temps des matchs de l’équipe première d’Argentinos Juniors, le petit Diego, surnommé « El Pelusa » à cause de sa tignasse ébouriffée, entre sur le terrain pour faire des jongles et des figures avec le ballon. Le public, fasciné, refuse de quitter les tribunes pour ne pas manquer le spectacle de ce prodige.

Argentinos Juniors : Les Débuts d’un Prodige

Le 20 octobre 1976, dix jours avant son seizième anniversaire, il fait ses débuts professionnels avec Argentinos Juniors. Dès son entrée en jeu, il réalise un petit pont (un caño) sur son adversaire. Le ton est donné. Pendant cinq ans, il va éclabousser le championnat argentin de son talent. Il marque 116 buts en 167 matchs pour un club modeste, un exploit monumental. Il devient une star nationale, l’enfant chéri de tout un pays. Mais son ambition est plus grande. Il veut jouer pour le club de son cœur, le club du peuple : Boca Juniors.

Partie II : Boca, le Premier Amour – Devenir une Icône Nationale

En 1981, malgré une offre financièrement supérieure du club rival, River Plate (le club des riches), Maradona choisit Boca Juniors. C’est un choix du cœur. Il veut porter le maillot bleu et or, jouer dans le stade mythique de La Bombonera.

Une Saison, un Titre et une Adoration Éternelle

Son passage à Boca est court – à peine plus d’une saison – mais il est d’une intensité inoubliable. Il forme un duo magique avec Miguel Ángel Brindisi et mène le club à la victoire dans le championnat Metropolitano de 1981.

Son match le plus mémorable est un Superclásico contre River Plate, sous une pluie battante à La Bombonera. Maradona livre une performance de génie. Il marque un but d’anthologie, dribblant le gardien Ubaldo Fillol, l’un des meilleurs du monde, avant de marquer dans le but vide. Ce jour-là, il ne devient pas seulement un joueur de Boca ; il devient Boca. Il incarne la garra, la grinta, la passion et le génie que les supporters xeneizes chérissent plus que tout.

Son histoire d’amour avec Boca durera toute sa vie. Même au sommet de sa gloire en Europe, il ne cessera de clamer son amour pour ce club. C’est là qu’il reviendra terminer sa carrière des années plus tard. Mais avant cela, après une Coupe du Monde 1982 décevante où sa frustration éclate avec une expulsion contre le Brésil, l’Europe l’appelle. Le FC Barcelone paie un transfert record pour s’attacher les services du plus grand talent de la planète.


Le Rêve Brisée de Barcelone – L’Europe, Entre Génie et Violence

En 1982, Diego Maradona débarque à Barcelone. Il n’est plus seulement le prodige argentin ; il est le joueur le plus cher de l’histoire du football. Le FC Barcelone a déboursé une somme colossale pour l’arracher à Boca et aux convoitises du monde entier. La pression est immense. On attend de lui qu’il porte le club catalan, alors dans l’ombre du Real Madrid, vers les sommets.

Son passage en Catalogne sera un concentré de sa vie entière : des éclairs de génie pur, une adoration du public, mais aussi la maladie, la violence, les conflits et un sentiment d’inachevé. L’Europe découvre un diamant brut, mais aussi un homme qui refuse de se plier aux règles.

L’Hépatite, la Fracture : La Malchance et la Brutalité des Défenses

Ses débuts sont prometteurs, mais le destin s’acharne. Quelques mois après son arrivée, il est diagnostiqué avec une hépatite sévère qui l’éloigne des terrains pendant trois mois. À son retour, il doit faire face à une réalité nouvelle pour lui : la brutalité des défenses européennes. En Argentine, il était protégé, presque intouchable. En Espagne, il devient la cible privilégiée des tacles les plus violents.

Le point de rupture a lieu le 24 septembre 1983, lors d’un match contre l’Athletic Bilbao. Andoni Goikoetxea, surnommé « le Boucher de Bilbao », lui assène un tacle d’une violence inouïe par derrière. Le bruit de l’os qui se brise est audible dans tout le stade. Le diagnostic est terrible : cheville gauche fracturée, ligaments arrachés. Sa carrière est en péril.

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<p><em>Le terrible tacle de Goikoetxea qui a failli mettre un terme à la carrière de Maradona.</em></p>
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C’est durant cette période de convalescence solitaire que les démons commencent à s’insinuer. Loin de sa famille, dans une ville où il se sent étranger, il découvre la cocaïne, une échappatoire qui deviendra une prison. Il revient sur les terrains en un temps record, animé par une volonté de fer, mais quelque chose s’est cassé, non seulement dans sa cheville, mais aussi dans son rapport à l’Europe.

Malgré tout, son génie reste intact. Il offre aux supporters du Barça des moments de magie pure, comme ce but irréel marqué contre le Real Madrid au Santiago Bernabéu, où il dribble le gardien, s’arrête sur la ligne de but, attend le retour d’un défenseur qui vient tacler dans le vide, avant de pousser le ballon dans le but. Un geste d’une telle arrogance et d’une telle classe que le public madrilène, pourtant son ennemi juré, se lève pour l’applaudir. Un fait rarissime.

La Bataille de Bernabéu et la Finale de Copa del Rey de 1984 : Le Chaos et le Départ

La fin de son aventure barcelonaise sera à l’image de son passage : violente et chaotique. En finale de la Coupe du Roi 1984, le Barça retrouve l’Athletic Bilbao de son bourreau, Goikoetxea. Le match est une guerre de tranchées. Le Barça perd 1-0. Au coup de sifflet final, provoqué par un joueur de Bilbao, Maradona explose. Il assène un coup de pied spectaculaire à son adversaire, déclenchant une bagarre générale d’une violence inouïe sur la pelouse, devant le Roi d’Espagne.

C’est la goutte d’eau. Pour les dirigeants du Barça, Maradona est devenu ingérable. Pour Maradona, l’Espagne est devenue une terre hostile. Il doit partir. C’est alors qu’une offre inattendue arrive, d’un lieu improbable. Un club modeste du sud de l’Italie, une ville pauvre, chaotique et méprisée par le reste du pays : Naples. Personne ne le sait encore, mais c’est le début de la plus grande histoire d’amour entre un homme et une ville que le football ait jamais connue.

Partie IV : La Résurrection Napolitaine – Comment un Homme a Changé une Ville (1984-1991)

Le 5 juillet 1984, 80 000 personnes se pressent dans le stade San Paolo de Naples pour assister à la présentation de leur nouveau joueur. Diego Maradona arrive en hélicoptère. L’ambiance est indescriptible, à mi-chemin entre un concert de rock et une cérémonie religieuse. Pour Naples, l’arrivée du meilleur joueur du monde n’est pas un simple transfert. C’est une rédemption.

Le Nord contre le Sud : Plus qu’un Combat Sportif, un Combat Social

Il faut comprendre ce qu’est Naples à cette époque. C’est la capitale du Mezzogiorno, le sud pauvre de l’Italie. Une ville magnifique mais rongée par le chômage, la pauvreté et l’influence de la Camorra, la mafia locale. Le reste de l’Italie, le nord riche et industriel de Milan et de Turin, regarde Naples avec un mélange de pitié et de mépris. Sur les terrains de football, les banderoles « Bienvenue en Italie » ou « Lavez-vous » sont monnaie courante lorsque le Napoli se déplace.

Maradona, l’enfant des bidonvilles, comprend immédiatement cette fracture sociale. Il ne vient pas à Naples pour l’argent ; il vient pour une cause.

« Je veux devenir l’idole des enfants pauvres de Naples, car ils sont comme j’étais à Buenos Aires. »

Il devient le symbole de la revanche du Sud sur le Nord. Chaque match contre la Juventus de Platini, l’Inter de Matthäus ou le Milan de Gullit n’est pas seulement un match de football. C’est une bataille pour la dignité de tout un peuple.

Le Premier Scudetto (1987) : Le Miracle qui a Fait Trembler le Vésuve

Les deux premières saisons sont difficiles. Maradona est souvent seul pour porter une équipe limitée. Mais le président Corrado Ferlaino construit peu à peu une équipe autour de lui, avec des joueurs de devoir comme Ciro Ferrara, Salvatore Bagni ou Bruno Giordano.

Et en 1987, le miracle se produit. Porté par un Maradona au sommet de son art, qui revient tout juste d’être sacré champion du monde, le SSC Napoli remporte le premier Scudetto de son histoire.

L’explosion de joie qui s’empare de la ville est quelque chose que le monde n’a jamais vu. Pendant plus d’une semaine, Naples est en état de transe. La ville est paralysée par des célébrations orgiaques. Des messes sont dites en l’honneur de « San Gennarmando » (un mélange de San Gennaro, le saint patron de la ville, et de son nom). Des cercueils aux couleurs de la Juventus sont promenés dans les rues. Un graffiti, devenu célèbre, apparaît sur les murs du cimetière de la ville : « Vous ne savez pas ce que vous avez manqué. »

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<p><em>Documentaire poignant sur la folie qui s’est emparée de Naples lors de la conquête du premier Scudetto en 1987.</em></p>
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Maradona n’est plus un joueur. Il est devenu un dieu vivant, le roi incontesté de Naples. Il a donné à cette ville ce que personne n’avait jamais pu lui donner : la fierté.

La Gloire et ses Ombres

La lune de miel se poursuit. Naples remporte la Coupe de l’UEFA en 1989 et un second Scudetto en 1990. Maradona est au sommet du monde. Mais cette adoration a un prix. Il devient prisonnier de sa propre légende. Il ne peut plus sortir dans la rue. Il est l’ami de tout le monde, y compris des membres les plus influents de la Camorra, la famille Giuliano, qui lui fournissent protection et, surtout, cocaïne.

Sa double vie s’installe. La semaine, il mène une vie de débauche. Le dimanche, il redevient le dieu du San Paolo, réalisant des miracles sur le terrain. L’équilibre est précaire. Le monde entier l’adore, mais l’homme, Diego, est en train de se perdre. La chute, aussi spectaculaire que l’ascension, est imminente. Mais avant cela, il lui reste un chef-d’œuvre à peindre, son plus grand, sous le soleil du Mexique.

Partie V : L’Apogée Aztèque – La Coupe du Monde 1986

Si l’histoire de chaque grand joueur est définie par un moment, pour Diego Maradona, ce moment est l’été 1986 au Mexique. Il n’a pas seulement remporté la Coupe du Monde ; il l’a littéralement portée sur ses épaules, livrant ce qui est universellement considéré comme la plus grande performance individuelle de l’histoire de la compétition. Il arrive au Mexique en pleine possession de ses moyens, à 25 ans, animé par une soif de revanche après le fiasco de 1982.

Une Équipe Construite Autour d’un Seul Homme

L’équipe d’Argentine de 1986 n’est pas la meilleure de l’histoire. Loin de là. C’est une équipe de guerriers, de joueurs de devoir comme Oscar Ruggeri, Jorge Burruchaga et Jorge Valdano. L’entraîneur, Carlos Bilardo, un pragmatique obsessionnel, a une seule idée en tête : construire un système ultra-solide autour de son unique génie. Il donne à Maradona le brassard de capitaine et une liberté totale sur le terrain. Le message est clair : l’équipe jouera pour Diego, et Diego jouera pour l’Argentine.

« Donnez-moi le ballon, je m’occupe du reste. » C’est la promesse que Maradona fait à ses coéquipiers dans le vestiaire. Une promesse qu’il tiendra au-delà de toutes les espérances.

Il survole la phase de groupes. Il est impliqué dans quasiment tous les buts de son équipe. Mais c’est en quart de finale que son histoire va basculer dans la mythologie.

Le Quart de Finale contre l’Angleterre : Le Match qui a Défini une Légende

Comme nous l’avons vu dans le prologue, ce match est le point culminant de sa carrière. En quatre minutes, il va marquer les deux buts les plus célèbres de tous les temps, deux buts qui résument sa dualité.

  • Analyse de la « Main de Dieu » : La Ruse du « Pibe de Oro »
    Ce but n’est pas une simple tricherie. C’est un acte profondément argentin, un produit du potrero et de la viveza criolla, cette intelligence rusée de la rue. Pour Maradona, et pour beaucoup d’Argentins, ce n’était pas un vol, mais une revanche symbolique et astucieuse sur la puissance qui les avait humiliés militairement aux Malouines. Sa célèbre justification après le match est un chef-d’œuvre de provocation : « Je l’ai marqué un peu avec la tête de Maradona, et un peu avec la main de Dieu. » Il transforme sa tricherie en un acte de justice divine.
  • Analyse du « But du Siècle » : Le Slalom Divin
    Si le premier but est celui du diable, le second est celui de Dieu. Cette chevauchée de 60 mètres est une œuvre d’art en mouvement. Ce qui la rend si unique n’est pas seulement la beauté du geste, mais le contexte. Le faire quatre minutes après le but le plus controversé de l’histoire, dans le match le plus tendu de la compétition, demande un sang-froid et un génie qui défient l’entendement. Techniquement, c’est une démonstration de maîtrise absolue : le ballon ne quitte jamais son pied gauche, son centre de gravité bas lui permet de résister aux tacles, et sa vision du jeu lui permet d’anticiper chaque mouvement des défenseurs et du gardien. C’est un but qui ne pouvait être marqué que par lui, à ce moment précis.

Après avoir éliminé l’Angleterre, il réalise un autre doublé de génie en demi-finale contre la Belgique, dont un autre slalom mémorable. L’Argentine est en finale.

La Finale contre l’Allemagne : La Passe Décisive pour l’Éternité

En finale, l’Argentine affronte la redoutable Allemagne de l’Ouest de Karl-Heinz Rummenigge. Les Allemands, conscients que Maradona est la seule menace, mettent en place un plan anti-Diego. Lothar Matthäus est chargé d’un marquage individuel impitoyable. Pendant 80 minutes, Maradona est muselé, harcelé, incapable de développer son jeu.

Pourtant, son équipe mène 2-0. Mais la force mentale allemande est légendaire. En l’espace de sept minutes, l’Allemagne revient à 2-2. Le stade Azteca est abasourdi. L’Argentine semble au bord de l’effondrement.

C’est là que le génie refait surface. À la 84ème minute, au milieu du terrain, Maradona reçoit le ballon. Il est immédiatement entouré de trois joueurs allemands. Il n’a pas le temps de se retourner. Mais d’un simple coup d’œil, il a vu quelque chose que personne d’autre n’a vu : l’appel en profondeur de son coéquipier Jorge Burruchaga. Dans un geste de pure inspiration, dos au but et sous la pression, il délivre une passe cachée parfaite, d’une seule touche du pied gauche, dans l’espace libre. La passe est si précise qu’elle élimine toute la défense allemande. Burruchaga file seul au but et marque. 3-2. L’Argentine est championne du monde.

Maradona n’a pas marqué en finale, mais il a offert le but du titre sur son seul éclair de génie du match. C’est la preuve ultime de sa grandeur. Même muselé, même fatigué, il lui suffisait d’une seconde, d’une touche, pour décider du sort du plus grand match de sa vie. Il soulève la Coupe du Monde, seul au sommet de la planète football.

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<p><em>Documentaire officiel de la FIFA « Hero », consacré à la performance légendaire de Diego Maradona lors du Mondial 1986.</em></p>
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Partie VI : Les 10 Buts Inoubliables de Diego Maradona

Choisir seulement dix buts dans une carrière aussi prolifique est une tâche impossible. Mais voici une sélection qui illustre la diversité de son génie.

  1. Le But du Siècle (Argentine vs Angleterre, 1986) : L’incontournable. Le plus grand but de l’histoire.
  2. Le Slalom contre la Belgique (Argentine vs Belgique, 1986) : Une copie presque conforme du but contre l’Angleterre, prouvant que ce n’était pas un hasard.
  3. Le Lob contre l’Étoile Rouge de Belgrade (Naples, 1989) : Un lob insensé, depuis l’extérieur de la surface, qui semble flotter dans les airs avant de retomber doucement dans le but.
  4. Le Coup Franc contre la Juventus (Naples, 1985) : Un coup franc indirect tiré à l’intérieur de la surface de réparation. Avec un mur à quelques mètres, il réussit à enrouler le ballon au-dessus et à le faire redescendre dans la lucarne. Un défi aux lois de la physique.
  5. Le But contre la Lazio (Naples, 1985) : Une volée acrobatique depuis un angle presque impossible, après avoir contrôlé le ballon en pleine course.
  6. Le But contre River Plate (Boca Juniors, 1981) : Le fameux but où il dribble et couche le gardien Fillol.
  7. Le But contre l’Italie (Argentine vs Italie, 1986) : Une volée subtile en pleine course, montrant sa capacité à marquer avec finesse et non seulement en force.
  8. Le But contre la Grèce (Argentine vs Grèce, 1994) : Son dernier but en Coupe du Monde. Une frappe surpuissante en pleine lucarne, suivie de sa célébration iconique, le visage hurlant face à la caméra, juste avant sa chute.
  9. Le But contre Vérone (Naples, 1985) : Un lob de près de 40 mètres, après avoir vu le gardien adverse avancé. Une démonstration de vision du jeu.
  10. La Main de Dieu (Argentine vs Angleterre, 1986) : Non pour sa beauté, mais pour son importance historique et mythologique. Il fait partie intégrante de la légende.

Partie VII : La Lente Chute – D’Italia 90 à USA 94

Après le sommet de 1986 et les triomphes napolitains, la descente sera aussi spectaculaire que l’ascension.

La Coupe du Monde 1990 en Italie : L’Héros Devenu Ennemi Public n°1

Le Mondial 90 a lieu en Italie, sa deuxième maison. Mais le conte de fées tourne au cauchemar. Maradona, diminué par une cheville en mauvais état, porte une Argentine bien moins forte qu’en 1986. Il la traîne à bout de bras jusqu’en demi-finale.

Le destin, toujours lui, place sur sa route l’Italie. Et le match a lieu… à Naples. C’est le drame cornélien. Avant le match, Maradona, provocateur, lance un appel aux Napolitains : « L’Italie se souvient de vous seulement quand elle a besoin de vous. Moi, je suis avec vous 365 jours par an. Soutenez l’Argentine. » L’appel divise la ville. Une partie du stade siffle l’hymne argentin, l’autre applaudit Maradona. L’Argentine élimine l’Italie aux tirs au but.

Maradona devient l’ennemi public n°1 du reste de l’Italie. En finale, à Rome, contre l’Allemagne, l’hymne argentin est copieusement sifflé par 80 000 personnes. Maradona, filmé en gros plan, insulte la foule : « Hijos de puta ! ». L’Argentine perd 1-0 sur un penalty controversé.

La Fin de l’Ère Napolitaine et le Drame de USA 94

En 1991, après un match avec Naples, il est contrôlé positif à la cocaïne. Il est suspendu 15 mois. C’est la fin brutale de son histoire d’amour avec Naples. Il quitte la ville par la petite porte, en pleine nuit.

Il tente de se relancer, à Séville, puis à Newell’s Old Boys en Argentine. Il fait des efforts surhumains pour revenir en forme pour une dernière Coupe du Monde, en 1994 aux États-Unis. Contre toute attente, il semble affûté. Il marque un but sublime contre la Grèce. L’Argentine semble renaître. Mais après le deuxième match, le couperet tombe : il est contrôlé positif à l’éphédrine, un produit masquant.

Sa conférence de presse est déchirante. En larmes, il prononce une phrase qui restera dans l’histoire : « Me cortaron las piernas. » – « On m’a coupé les jambes. » Il prétend qu’on l’a piégé. Pour le monde, c’est la chute finale du dieu déchu. C’est la fin de sa carrière internationale.

Maradona l’Entraîneur – La Passion ne Suffit Pas

Après une fin de carrière de joueur en dents de scie, marquée par un retour émouvant mais bref à Boca Juniors, une question brûlait toutes les lèvres : le plus grand génie du terrain pouvait-il transmettre son savoir depuis le banc de touche ? La réponse sera complexe, passionnée et, finalement, décevante. La carrière d’entraîneur de Diego Maradona fut à l’image de sa vie : chaotique, imprévisible et dictée par le cœur plus que par la raison.

Une Carrière Chaotique : De Mandiyú à Gimnasia

Ses premières expériences d’entraîneur, au Deportivo Mandiyú et au Racing Club au milieu des années 90, sont des échecs retentissants. Il est clair que le costume de tacticien ne lui va pas. Il semble incapable de traduire sa vision instinctive du jeu en concepts clairs pour des joueurs qui ne possèdent pas son génie. Il se repose sur sa seule aura, ce qui ne suffit pas.

Pendant des années, il s’éloigne des bancs, luttant contre ses addictions et ses problèmes de santé. Mais l’appel du terrain est trop fort.

Le Sélectionneur de l’Argentine (2008-2010) : Un Rêve et une Désillusion

En 2008, dans une décision qui surprend le monde entier, la Fédération Argentine de Football le nomme sélectionneur de l’Albiceleste. C’est un pari fou, basé sur l’espoir que son statut de Dieu vivant suffira à transcender une génération de joueurs talentueux mais en manque de repères, emmenée par un jeune Lionel Messi.

Son mandat est un véritable feuilleton. La phase de qualification pour la Coupe du Monde 2010 en Afrique du Sud est un chemin de croix. L’équipe est tactiquement incohérente, Maradona change de système et de joueurs à chaque match. L’Argentine subit des humiliations historiques, comme une défaite 6-1 en Bolivie. Mais, portée par la grinta et quelques éclairs de génie, elle arrache sa qualification à la dernière journée. La conférence de presse qui suit est légendaire : Maradona, revanchard, insulte violemment ses détracteurs, les journalistes.

En Afrique du Sud, l’équipe, portée par un Messi brillant, semble trouver une dynamique. Mais en quart de finale, elle se heurte à un mur : la jeune et redoutable équipe d’Allemagne. Le chaos tactique argentin est exposé au grand jour. L’Allemagne inflige une correction 4-0 à l’Argentine. C’est une humiliation nationale. Le rêve de Maradona de remporter la Coupe du Monde en tant que sélectionneur s’achève brutalement. Il sera limogé peu de temps après.

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<p><em>Maradona, sélectionneur : une compilation de ses moments les plus passionnés sur le banc de touche.</em></p>
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Sa « Philosophie » : L’Humain avant la Tactique

Maradona n’était pas un grand tacticien, et il ne prétendait pas l’être. Sa philosophie d’entraîneur reposait sur d’autres principes :

  • Le Management Affectif : Il était un père, un grand frère pour ses joueurs. Il les couvrait de baisers, les défendait bec et ongles, et tentait de leur insuffler sa passion et sa confiance. Il était un motivateur hors pair.
  • La Liberté du Joueur : Il refusait d’enfermer ses joueurs, en particulier les plus créatifs comme Messi, dans des carcans tactiques. Il voulait qu’ils s’expriment, qu’ils jouent à l’instinct.
  • Le Maillot avant Tout : L’amour du maillot argentin était le seul dogme non-négociable. Il demandait à ses joueurs de mourir sur le terrain pour leur pays.

Ses expériences ultérieures, dans des championnats exotiques (Émirats Arabes Unis, Mexique) ou lors d’un dernier retour émouvant à Gimnasia La Plata en Argentine, confirmeront ce constat : Maradona était un leader d’hommes, un totem, une source d’inspiration, mais il n’était pas un architecte. Le génie ne se transmet pas.

Partie IX : « El Diego » et ses Mots – Sorties Médiatiques et Citations de Légende

Maradona était aussi célèbre pour son franc-parler que pour son pied gauche. Ses conférences de presse étaient des spectacles. Il était un rebelle, la voix des sans-voix, et il n’a jamais eu peur de s’attaquer aux puissants.

  • Ses Guerres contre la FIFA et l’Ordre Établi : Il a été l’un des premiers à dénoncer publiquement la corruption au sein de la FIFA, qu’il qualifiait de « mafia ». Il s’est battu contre João Havelange et Sepp Blatter, les accusant de traiter les joueurs comme des esclaves et de ne penser qu’à l’argent.
  • Sa Rivalité avec Pelé : Sa relation avec l’autre grand prétendant au titre de meilleur joueur de tous les temps était complexe, faite de respect et de piques assassines. Il reprochait à Pelé sa proximité avec les instances du pouvoir.
  • Ses Phrases qui ont Marqué l’Histoire :
    • « Le but a été marqué un peu par la tête de Maradona, et un peu par la main de Dieu. » (1986, après le match contre l’Angleterre) – Sa justification légendaire.
    • « J’ai fait des erreurs, et j’ai payé. Mais le ballon, lui, ne se salit pas. » (La pelota no se mancha) – Prononcée lors de son jubilé en 2001. Une phrase magnifique qui sépare l’homme faillible de la pureté du jeu qu’il a tant aimé.
    • « Arriver dans la surface et ne pas pouvoir tirer au but, c’est comme danser avec sa propre sœur. » – Pour décrire sa frustration de ne pas pouvoir conclure une action.
    • « À ceux qui n’ont pas cru en nous, et avec le pardon des dames, qu’ils me la sucent et continuent de me sucer ! » (2009, après la qualification de l’Argentine pour la Coupe du Monde) – Une de ses sorties les plus violentes et les plus célèbres.

Épilogue : « La Pelota No Se Mancha » – L’Héritage d’un Dieu Mortel

Diego Armando Maradona est décédé le 25 novembre 2020. L’annonce de sa mort a provoqué une onde de choc planétaire, et un deuil national de trois jours en Argentine. Des millions de personnes, de Buenos Aires à Naples, ont pleuré la perte d’un homme qu’ils considéraient comme un membre de leur propre famille.

La Dualité d’un Homme : Le Génie et le Démon

Son héritage est à son image : complexe, contradictoire, incandescent. Il y a Diego, le génie absolu, l’artiste qui a procuré des émotions uniques à des millions de personnes et qui a porté des équipes et des villes entières vers la gloire. Et puis il y a Maradona, l’homme, avec ses failles, ses addictions, ses excès, ses mauvais choix.

Refuser de voir l’un pour ne célébrer que l’autre serait une erreur. C’est cette dualité qui le rend si fascinant et si profondément humain. Il n’était pas un athlète parfait et lisse. Il était un homme du peuple, avec les forces et les faiblesses du peuple. C’est pour cela qu’il a été tant aimé. Les gens ne se reconnaissaient pas seulement dans ses exploits, mais aussi dans ses luttes, ses chutes et ses tentatives de rédemption.

Pourquoi Maradona Reste l’Icône Ultime du Peuple

Dans le football moderne, aseptisé, dominé par le marketing et les athlètes formatés, la figure de Maradona résonne avec une force particulière. Il représente tout ce que ce football n’est plus : l’imprévisibilité, la rébellion, la passion brute, le lien viscéral avec les supporters.

Il était le symbole de la revanche des déshérités. Le gamin du bidonville qui devient roi du monde. Le champion d’une ville pauvre du Sud qui humilie les riches clubs du Nord. Le héros d’une nation qui met à genoux la puissance qui l’a vaincue militairement.

Son histoire nous rappelle que le football, avant d’être une industrie, est un jeu, une culture, une source d’identité et de fierté. Diego Maradona n’a pas seulement joué au football. Il a été l’incarnation de ce que le football peut représenter dans le cœur des hommes. Et c’est pour cela que même après sa mort, son nom continue d’être scandé dans les stades du monde entier. Car les dieux, même mortels, ne meurent jamais vraiment. Et le ballon, comme il l’a si bien dit, ne se salit pas.

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